Transformer le bois en carburant du futur

Remplacer les carburants fossiles en transformant les résidus forestiers en biocarburant. Telle est l’idée derrière le projet Bioénergie La Tuque qui promet d’éviter les émissions de 575 000 tonnes de CO2 par an.

Lorsque les arbres sont récoltés, des millions de tonnes de branches sont laissées en forêt chaque année. Au lieu de les laisser pourrir, Patrice Mangin, professeur en génie chimique et titulaire de la chaire en développement de la bioénergie et de la bioéconomie régionale à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), a lancé l’idée de les valoriser sous la forme de biocarburant. Comment? « Lorsque l’on chauffe du bois dans un milieu où il a peu oxygène, il se transforme en gaz qui contient du carbone et de l’hydrogène.

Avec des catalyseurs, il est possible de recombiner ces gaz pour créer du carburant », explique le chercheur qui a commencé à étudier le bioraffinage lorsqu’il était président de la recherche au sein de la Confédération des produits papetiers européens (CEPI) au début des années 2000. Après avoir présenté l’idée de construire une bioraffinerie à La Tuque en 2010, l’ingénieur formé à l’Institut National Polytechnique de Grenoble, s’est associé avec la municipalité pour créer l’organisme Bioénergie La Tuque (BELT).

Le plan : construire rien de moins qu’une bioraffinerie d’une valeur d’un milliard de dollars en 2023. « Une étude du forestier en chef a démontré qu’un million de tonnes de résidus sont laissées en forêt chaque année en Haute-Mauricie, dit-il. Nous voulons créer de la richesse locale avec ces résidus ». Et pour y parvenir, pas question de faire des compromis sur la rentabilité du projet ou sur l’impact environnemental. « Au Québec, il est interdit d’utiliser les souches et les racines dans le sol, qui constituent la plus grande partie de la bio masse, explique Mangin. De plus, nous sommes en train de faire des études pour s’assurer de maintenir la fertilité des sols et la biodiversité après la récolte des résidus ».

 

Pyrolyseur mobile, Bioénergie La Tuque Il faut toutefois compter plusieurs étapes avant de construire de telles infrastructures. D’abord, BELT a réalisé plusieurs missions commerciales pour voir ce qui se faisait ailleurs dans le monde. Au passage, les intervenants ont rencontré plusieurs investisseurs potentiels avant de conclure un partenariat avec Neste Corporation, une entreprise finlandaise qui assume un rôle de leader dans le secteur des biocarburants.

En plus de la contribution financière qui n’a pas été dévoilée, Neste met à la disposition des promoteurs les résultats de plusieurs études réalisées à l’interne sur le sujet, d’une valeur de plus de 200 millions d’euros. De plus, le gouvernement du Québec financera 1,5 M$ de l’étude technico-économique qui coutera plus de 4 M$. Selon l’échéancier établi, la décision pour la construction devrait être prise en 2019 pour une mise en service en 2023.

À terme, l’usine de bioraffinage produirait plus de 200 millions de litres de biodiesel par an, ce qui représente 4,3 % de la consommation de diesel pour le transport au Québec. « En remplaçant les carburants fossiles par du biodiesel, ça réduirait les émissions de CO2 de près de 575 000 tonnes par an », note M. Mangin.

Lors du dernier budget, Québec a mentionné vouloir soutenir l’industrie émergente des biocarburants, sans apporter de précisions sur le sujet. « Le gouvernement devra déposer une loi obligeant les entreprises à incorporer un certain pourcentage, par exemple 10 %, de carburant renouvelable dans l'essence et le diesel pour les transports », lance Patrice Mangin, qui souligne au passage que 64 pays ont déjà légiféré en ce sens.

Avec la Politique énergétique 2030 dévoilée en 2016, Québec souhaite d’ailleurs réduire la consommation de carburants fossiles de 40 %, augmenter la production d’énergie renouvelable de 25 % tout en augmentant la production de bioénergie de 50 % d’ici 2030. « Il reste à créer les incitatifs pour y parvenir », conclut Patrice Mangin. D’ici quelques années, les camions pourraient donc rouler grâce au bois liquide!

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